lundi 19 mars 2018

Les anti-vaccins ne sont pas des obscurantistes

Les anti-vaccins tuent. Les accuser d'obscurantisme pourtant ? C'est pas exact.

LMPT est obscurantiste car malgré le biologie-washing, en dernier ressort, ce qui est en jeu, ce sont des valeurs fondées sur la foi, pas la science. Les anti-vaccins comme les anti-ondes ne sont pas anti-science. Ils se pensent plus malins, mieux informés que les autres, détenteurs d'un état plus avancé de la science. À tort certes, mais leurs revendications sont fondées sur des prétentions scientifiques et non un rejet des méthodes scientifiques. Je ne crois d'ailleurs pas à l'idée d'un rejet global de la science actuellement. Même les vrais obscurantistes comme LMPT se sentent obligés d'avoir une apparence de discours scientifique, c'est dire ! Par contre, il y a il me semble une vraie méfiance envers les dynamiques de pouvoir liées aux enjeux scientifiques.

Les anti-vaccins semblent avoir bien retenu leurs leçons d'épistémologie, notamment celles qui parlent de théories obsolètes restées longtemps majoritaires tandis qu'on faisait taire les scientifiques qui en proposaient de nouvelles et plus adéquates.

Iels se placent clairement dans ce narratif-là. Iels se pensent les précurseurs. Iels se pensent l'avant-garde. Iels se pensent Gallilée.

C'est faux, mais à mon sens c'est intéressant parce que c'est de l'ordre de ce qu'on appelle en psychologie un déplacement. Les critiques adressées aux vaccins deviennent bien plus compréhensibles si on les lit comme une réaction à des dynamiques de pouvoir. Dans ce contexte, le médecin, c'est une métaphore du politique : un homme riche qui souvent ne prend pas la peine de vous écouter ni de vous parler, et parfois masque son incompétence derrière un sentiment de supériorité.

À mon sens, ce qui nourrit ce genre de complotisme, c'est le verrouillage du discours du pouvoir. Lorsque les citoyens ont le sentiment de n'avoir pas accès aux informations vitales qui les concernent, ils peuvent à bon droit se sentir inquiets. Cette inquiétude se déplace sur la médecine qui est d'un caractère vital plus immédiat, mais je pense que la source en est la casse sociale qui est opérée depuis une trentaine d'années et rend les conditions de vie de plus en plus dures. Les anti-vaccins sont des gens qui ont l'impression que celleux qui détiennent un pouvoir leur cachent des choses et les mettent en danger, eux et celleux qu'iels aiment, au profit de l'enrichissement de quelques-uns. Sur le mécanisme, iels ont raison ; simplement iels ont déplacé la conscience de leur oppression et de la confiscation de leur agentivité du domaine politique, complexe, abstrait et difficile à atteindre, vers le domaine de la médecine, plus facile à maîtriser. C'est à peu près le même déplacement que dans l'anorexie, et tout aussi mortel. L'anorexique, c'est une personne qui, dans une situation où elle a le sentiment de ne pas avoir de contrôle sur son existence, récupère ce contrôle sur quelque chose de plus facile à atteindre - le corps, la nourriture. Et, ce faisant, se détruit. Or on ne soigne pas un.e anorexique en le.a forçant à manger, mais en travaillant avec ellui sur les sources de son sentiment d'aliénation.

Dans le cas des vaccins, s'ajoute sans doute un autre facteur politique : la vaccination n'est vraiment efficace que pratiquée par l'ensemble de la société. Il y a quelque chose de profondément citoyen dans cette démarche, qui implique de surmonter ses résistances personnelles au profit du le bien commun. Cela implique de faire confiance à la collectivité pour vouloir ce qui est bon pour nous. Je pense que cette confiance n'existe plus et que c'est un raisonnement difficile à faire passer dans un climat de casse sociale et de destruction de la solidarité nationale.